Dans une tribune publiée le 05 février 2019 dans le Huffington Post Jacky Isabello, expert en communication politique, et numérique analyse l’utilisation de Facebook comme un outil politique puissant.
Le mouvement des #Giletsjaunes est sans précédent : sa forme est particulière et son mode d’expression l’est tout autant. L’importance de Facebook et de ses filiales est déterminante dans le développement de la contestation.
Dans une interview donnée au Journal du Dimanche Laurent Solly, vice-président de Facebook pour la France et l’Europe du Sud livre son sentiment face à l’utilisation de son réseau social par les gilets jaunes. Selon lui, « Facebook n’a ni crée ni amplifié le mouvement ».
Pour notre expert cette position est à nuancer :
« Certes Facebook n’a pas créé le mouvement des gilets jaunes. Mais comment peut-on dire qu’il n’a pas amplifié la colère? Contrairement à ce que tente de minorer M. Solly, Facebook possède un rang à part au sein des outils qui subliment la visibilité d’un message ; les capacités quasi-miraculeuses de Facebook et Google à cibler au plus près les publics à influencer sont incomparables ».
Selon Jacky Isabello, la stratégie publicitaire du réseau social explique la forte exposition de ses contenus :
« D’après les derniers chiffres dévoilés par le Syndicat des régies Internet (SRI) et PwC en partenariat avec l’Udecam dans le cadre de l’Observatoire de l’e-pub, le marché français a connu une croissance record l’an dernier, à +17%. Google (via le search) et Facebook (y compris sa filiale Instagram) trustent à eux seuls environ 70% du marché. Dans ses calculs, le SRI a mesuré que les médias historiques (télévision, presse ou radio) ne pèsent que 6% du marché de la publicité numérique. La forte croissance dégagée l’an dernier n’a profité qu’à ces deux acteurs puisqu’ils ont capté 94% de la croissance. Donc, Facebook et Google ont capté 94% de la croissance de ce marché ».
Ensuite, pour Jacky Isabello, Facebook est puissant car il est tentaculaire. Le groupe détenteur d’Instagram et de WhatsApp renforce grâce à ses filiales sa puissance politique.
Pour étayer son propos sur la capacité du groupe à amplifier les discours permettant la conquête du pouvoir, Jacky Isabello cite l’exemple de WhatsApp lors de l’élection présidentielle au Brésil. Il a pris une place importante dans la stratégie de M. Bolsonaro.
Jacky Isabello met en exergue l’ascension fulgurante de Jair Bolsonaro. (NB : Renato Janine Ribeiro commente sur RFI les 30 premiers jours de la présidence Bolsonaro).
Le candidat Bolsonaro s’est largement inspiré de la stratégie de Donald Trump en utilisant abondamment les outils numériques des médias sociaux. Pour notre expert :
« M. Ribeiro affirma que compte tenu de sa faible présence dans les instances politiques brésiliennes, il ne lui était accordé que 8 secondes de temps de parole par jour sur les antennes des médias publics. Vous lisez bien 8 secondes. Évidemment avec ce temps de parole, qui aurait pu envisager qu’il ait eu le temps de faire passer ses messages extrémistes, simplistes, nimbés de fake news, dont nombre ont influencé l’électorat brésilien. Il aurait été confronté à des journalistes formés et détenteurs d’une carte de presse, soucieux de disséquer les idées de M. Bolsonaro pour les opposer à la complexe réalité. Puis, sa sauvage agression fit le reste. »
« Aussi, affirmer que la plateforme « n’amplifie pas » relève de l’incantation politicienne et du désir de « noyer le poisson ». Surtout il est la négation d’un modèle de business extrêmement innovant dont chaque régie publicitaire des médias classiques connaît la puissance et la redoutable addiction qu’il nourrit chez les utilisateurs. »
Enfin, Jacky Isabello conclue sur l’exigence de prendre conscience collectivement de l’influence des médias sociaux :
« je souhaiterais déverser un peu de crainte dans l’avenir que nous réserve ce nouveau monde numérique, s’il nous prenait l’envie de ne pas le maîtriser. C’est une pierre lancée dans le jardin des dirigeants de Facebook en France et ailleurs. »
Retrouvez ici en intégralité la tribune de Jacky Isabello dans le Huffington Post