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Crise Lubrizol : Retour sur la nuit du 26 au 27 septembre 2019

communication de crise - lubrizol

Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2019, est survenue une crise industrielle majeure. Elle fut le théâtre d’autres formes de péripéties ; une crise de la communication et une crise de confiance des populations locales à l’égard des instruments de l’État.

Un an et demi s’est écoulé depuis l’incendie de l’usine chimique Lubrizol qui a secoué le territoire Normand, dont les conséquences ont été ressenties jusque dans les Hauts-de-France. Cette crise majeure, qui a profondément marqué les habitants, a connu d’importantes répercussions environnementales, sanitaires, économiques et politiques. Encore aujourd’hui, l’accident soulève la colère des populations locales et de nombreuses interrogations.

 

 

« La fonction communicante doit s’interroger : pourquoi deux ans après les faits, l’apaisement n’est toujours pas d’actualité ? Tant pour la population qui exige toujours des réponses. Que du côté des autorités qui peinent à revenir sur la situation. C’est parce que subsiste une asymétrie de perceptions entre d’un côté la fonction régalienne qui a traité logiquement la situation de crise et de l’autre la population cantonnée dans la dimension sensible et manifestant un mécontentement persistant, que nous avons souhaité revenir sur cet incident. » – Jacky Isabello

 

L’équipe de Coriolink vous propose de revenir sur l’histoire de cette crise exceptionnelle à travers une série de quatre articles. Chacun vous éclairant sur différents aspects de la crise. Le premier sera consacré au déroulé de la journée ; le deuxième portera sur la communication déployée ; le troisième s’attardera sur la crise de la communication ; et enfin le dernier partagera les conseils de l’agence.

 

 

Comment la crise s’est déclarée ?

 

Considérée comme une affaire d’État, la nuit du 26 au 27 septembre 2019 a occupé pendant des semaines les Unes des grands médias. La crise éclaire à 2h48, lorsqu’un incendie se déclare dans l’usine de produits chimiques Lubrizol, à Rouen, soit au cœur même d’un territoire regroupant 490 000 habitants et 71 communes.

 

Le mélange de produits chimiques a causé un épais nuage de fumée, survolant 215 communes de la Normandie jusqu’aux Hauts-de-France. Le nuage de fumée fut si imposant que ce n’est qu’après une quinzaine d’heures, à 17h30, que le feu a été totalement maîtrisé. Le nuage noir s’est quant à lui monopoliser le paysage des jours après le drame.

 

La maîtrise de l’incendie a mis en lumière le respect du protocole imposé, et témoigne de la coordination des différents acteurs publics et des collaborateurs de Lubrizol. Cependant, malgré cette réussite, l’incendie a mis en relief un profond mal-être relationnel. Celui entre la préfecture, le gouvernement et les citoyens à travers une communication de crise inadaptée.

 

Encore aujourd’hui, deux ans après cet événement majeur, des questions restent sans réponse et rares sont les personnalités gouvernementales à prendre la parole pour y répondre.

 

 

Quelles sont les conséquences de l’incendie ?

 

Lubrizol est une entreprise détenue par le conglomérat Berkshire Hathaway dirigée par l’emblématique homme d’affaires Warren Buffett. Elle commercialise des additifs, carburants et peintures industrielles. L’usine a été classée comme « seveso seuil haut ». Ainsi, un incendie tel quel, a porté une grave atteinte à l’environnement : pollutions des eaux ; impacts sur la qualité de l’air ; récoltes agroalimentaire impossible en raison des retombées de suies.

 

Par ailleurs, d’après une enquête menée par le groupe Santé de l’association Rouen Respire, auprès de la population après le drame, 98% des répondants ont constaté une odeur persistante et désagréable. Elle a d’ailleurs causé un nombre incalculable de plaintes auprès des autorités de la ville. 42% ont déclaré avoir ressenti des symptômes tels que des problèmes respiratoires, des malaises ou encore des migraines, et ce même après plusieurs mois.

 

 

Quel a été le système d’alerte à la crise et les mesures mises en place ?

 

Pour donner suite à cette crise et réagir au plus vite, la préfecture, les services d’incendie et les communes ont pris les choses en main afin de maîtriser au mieux la situation d’urgence.

 

Cette nuit-là, Lubrizol a déployé deux plans de prévention des Risques Technologiques (PRT). D’abord Le Plan Particulier d’Intervention (PPI). Puis le Plan d’Opération Interne (POI), respectant ainsi 4 phases de gestion de crise à cette échelle.

 

ALERTE

Dès 5h00, 240 sapeurs-pompiers ont été mobilisés, ainsi que 90 policiers et 46 gendarmes. Les autorités se sont déployées et ont fait du porte-à-porte à proximité de l’usine. Contrairement au protocole, ce n’est qu’à 7h45 que les 31 sirènes de la ville ont été déclenchées, le préfet n’ayant pas voulu réveiller la population en pleine nuit et créer la panique. En complément, de 5h à 7h, des sms ont été transmis à la population afin de les informer rapidement de l’accident et des mesures à suivre.

 

RENSEIGNEMENTS

Aux environs de 8h40, le préfet Pierre-André Durand donne une conférence de presse dans laquelle il s’adresse à la population. Il déclare d’un côté qu’il n’y a ni toxicité aigüe, ni victimes et ne donne pas d’information sur l’explosion. D’un autre côté, il rassure et protège sa population en rappelant les procédures de précaution. A cette conférence s’accompagne un communiqué de presse qui insiste sur l’absence de danger, ce qui contredit l’application de mesures restrictives et mesures d’hygiène. Par ailleurs, dans la matinée, une cellule d’information au public est disponible.

 

MAINTIENT DE L’ORDRE

Le jour même, un confinement a été mis en place par pure précaution selon le préfet : limitation de la circulation, confinement des populations et fermeture de lieux publics. En revanche, ce n’est que tardivement, le 1er octobre, que les établissements scolaires, crèches et maisons de retraite se retrouvent dans l’obligation de fermer.

 

SECOURS POST URGENCE IMMEDIATE

Des dispositions ont été mises en place par le gouvernement afin d’apporter de l’aide et du soutien aux habitants. Un numéro vert, avait par exemple pour mission de répondre aux questions des habitants de la région de Rouen.

 

 

 

Bien que le protocole ait été suivi à la lettre, de grandes maladresses dans le traitement de la communication de crise restent décelables. Et tout particulièrement en ce qui concerne le traitement des peurs irrationnelles, voire des Fake news diffusées sur les réseaux sociaux.

 

Face à la peur du désordre, les pouvoirs publics se sont retrouvés pris au dépourvu et ont fait parvenir de nombreuses contradictions qui ont semé le trouble dans l’esprit des habitants et détruit la confiance dans les institutions locales mais aussi nationales.

 

L’équipe de Coriolink vous en parle dans le prochain article « La crise Lubrizol – La communication déployée ».