Le vendredi 12 juillet, Amélie Lebreton, communicante co-fondatrice de l’agence CorioLink, était invitée sur le plateau de l’émission Week-end Direct présentée par Perrine Storme sur BFMTV. Au programme : l’affaire dite « de Rugy » relative aux révélations de Médiapart sur une série de diners fastueux avec des convives intimes lorsque l’actuel ministre de la Transition écologique, François de Rugy, était président de l’Assemblée nationale. Alors que le second invité, Benjamin Morel, docteur en Science politique à l’ENS, analysait l’aspect politique de cette polémique, Amélie Lebreton s’est exprimée sur la stratégie de communication du ministre et du gouvernement.
S’agissant du silence du président de la République sur cette affaire, l’experte en communication politique explique que l’exécutif a opté pour une bonne stratégie de communication :
« Ce silence signifie que Emmanuel Macron a retenu les leçons de l’affaire Benalla, lors de laquelle il s’est montré d’un soutien sans faille, ce qui a entaché son image. De plus, il sait également que pour l’instant, il est trop tôt pour qualifier les faits de scandale. En convoquant François de Rugy a un entretien de 45 minutes, le Premier ministre, et donc l’exécutif, a fait preuve de fermeté. Il est normal que ce soit Edouard Philippe qui réagisse puisqu’il est le chef du gouvernement. L’absence de déclaration à l’issue dudit entretien reflète une attente, un soutien timide à l’égard du ministre exposé. Si Mediapart poursuit ses révélations, le Premier devra nécessairement prendre une décision. Mais pour l’instant, le gouvernement a bien géré sa stratégie de communication. »
Elle est plus nuancée sur celle de François de Rugy, évoquant le « précédent Cahuzac » :
« Dans l’interview qu’il a donné ce matin sur le plateau de Bourdin Direct (BFM TV), le ministre de la Transition écologique a choisi une stratégie de victimisation. Il a d’ailleurs jusqu’à prononcer le mot ‘victime’ sur l’affaire de l’appartement. La façon dont il a orchestré sa communication est intéressante : il a fait une visite de son appartement par certains journalistes du magazine Le Point et a s’est prêté à l’exercice de l’interview les yeux dans les yeux avec Jean-Jacques Bourdin. La difficulté à laquelle il est confrontée est ce qu’on appelle la « jurisprudence Cahuzac » en communication politique. Bien-sûr, sur le fond ces deux affaires ne sont pas comparables mais le sont sur la forme. A l’époque, Jérome Cahuzac s’est lui aussi prêté à une interview « les yeux dans les yeux » face à Jean-Jacques Bourdin et il s’est avéré qu’il avait menti. Cela a décrédibilisé davantage encore la parole politique. C’est pourquoi les déclarations de François de Rugy ne convaincront pas, ne suffiront pas tant qu’il n’apportera pas de preuves concrètes prouvant qu’il s’agissait bien dîners de représentation et non de dîners intimes. »
Enfin, Amélie Lebreton qualifie d’« erreur » la gestion du départ de Nicole Klein, l’ex-directrice du cabinet du ministre :
« Ce que l’on conseille en premier lieu lors que l’on fait de la gestion de crise en communication politique, c’est de toujours bien soigner ‘l’interne’ car il est essentiel d’avoir le soutien de ses collaborateurs, qui sont les premiers ambassadeurs lorsqu’une personne est exposée. Autrement, l’extérieur, c’est-à-dire l’opinion publique, aura une image négative. Dans le cas d’espèce, chacun sait que les directeurs de cabinet sont des ‘ministres bis’, des pilotes en première ligne au quotidien auprès des ministres. François de Rugy aurait dû soigner Nicole Klein, c’est-à-dire prendre le temps le temps de l’accompagner correctement. Cette situation est une erreur énorme. ».