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Crise Lubrizol : Communication gouvernementale déployée

Communication de crise

Une communication verticale, des responsabilités partagées et une incohérence entre actions et paroles composent la recette parfaite d’une communication de crise inefficace, ratée voire nuisible. C’est pourtant l’équation qui a été appliquée durant cette situation de crise industrielle.

À travers cet article, l’équipe de Coriolink décrypte à vos côtés la communication émise par les pouvoirs publics, préfecture et gouvernement, en cette période difficile de crise sanitaire.

Ce feuillet s’inscrit dans une série d’articles portant sur la crise de l’incendie de l’usine Lubrizol.  Retrouvez ici le premier d’entre eux portant sur le déroulé de la journée du 26 septembre 2019.

 

 

 

 

L’appel au calme en période de crise

 

La volonté première des pouvoirs publics a été de rassurer et de protéger la population, de l’échelle locale à l’échelle nationale. Le lendemain, à travers quatre communiqués de presse, l’État par l’intermédiaire du Préfet démontre qu’il a la situation en main, qu’il prêtera grande attention à la protection des citoyens, et qu’il fera preuve de transparence envers eux.

 

Le premier communiqué met en avant le fait qu’aucun danger n’est présent dans l’air ; le deuxième rappelle les directives sanitaires ; le troisième recense les mesures d’urgence demandées par la préfecture à l’usine ; et enfin le quatrième évoque les actions en faveur des agriculteurs.

 

« Dans leurs déclarations, les autorités adoptent un registre protecteur et rassurant afin d’éviter toute panique. Mais cette posture s’avère complexe quand rassurer  et protéger, se contredisent. » – Jacky Isabello

 

Les citoyens ont exprimé des difficultés quant à légitimer de telles mesures comme le confinement, au regard des déclarations du gouvernement affirmant qu’aucun danger n’était décelable.

 

C’est de cette contradiction qu’est née la panique et l’anxiété collective, tant redoutées du gouvernement. En effet, les citoyens ont douté de la transparence et de la sincérité des données transmises, ayant le sentiment que la vérité leur était dissimulée. Ainsi, dans la volonté de tranquilliser et de sécuriser la population, c’est la suspicion et le doute qui ont assailli les citoyens.

 

Communication verticale

 

Paradoxalement, ce qui a cruellement failli à la communication de crise mise en place a justement été le manque d’interactions. L’absence de dialogue s’est fortement fait ressentir. Le gouvernement n’a pas impliqué les citoyens dans la gestion de crise en instaurant une communication verticale et unilatérale.

 

L’État a eu recours aux réseaux sociaux pour émettre des informations. Mais en aucun cas pour échanger avec les citoyens, détournant ainsi l’une des premières utilités de ses plateformes sociales. Cette approche descendante, dite « top-down », de la communication, s’est révélée inadéquate. La population avait en effet besoin de ressentir les effets et les bénéfices des actions des pouvoirs publics. À ce moment-ci, les actions de l’État ne sont plus efficientes dans leur communication.

 

Point sur les Fake News

 

En revanche, le gouvernement a mis un point d’honneur à répondre aux multiples rumeurs émergentes. Rapidement de fausses vidéos de l’explosion ont été diffusées, reprenant celles d’une explosion meurtrière remontant à août 2015 à Tianjin ; des images de cadavres d’oiseaux sur le sol américain ont été détournés ; de faux communiqués de presse avec de fausses consignes ont été véhiculés ; et des rumeurs sur l’eau non potable prétendument émises par le CHU de Rouen ont circulé sur la toile.

Communication de crise

 

Certains médias, notamment régionaux, ont relayé ces infox, amplifiant alors la panique. La lutte contre les fakes news a occupé une grande place dans la gestion de la crise du gouvernement qui s’est appliqué à les démentir.

communication de crise

Cependant, ces actions mettent en lumière, à plus forte raison, un autre paradoxe qui renforce le rapport de méfiance entre gouvernants et gouvernés. En privilégiant la lutte contre des fakes news au nécessaire devoir de répondre aux inquiétudes des habitants, les bras armés de l’État écartent la population et opèrent une gestion de crise sans la prise en compte de la totalité des parties prenantes.

 

Communication de crise et responsabilités partagées

 

« La communication n’a pas été uniforme chez les différents acteurs de la gestion de la crise. Un manque d’alignement s’est fait ressentir : elle a varié et s’est même contredite. » – Jacky Isabello.

 

D’un côté, la Préfecture a été proactive dans ses actions. Elle a suivi à la lettre le protocole de gestion de crise. Pourtant, cela n’a pas empêché les théories complotistes d’exploser.

 

Rappelons que le contexte social n’a pas aidé. En effet, la récente crise des gilets jaunes avait renforcé une perte de confiance déjà bien présente. La parole de tout ce qui représente l’État est mise à mal. Chacune de ses déclarations a été remise en doute au regard de ses propos contradictoires et de son manque de considération des citoyens.

 

D’un autre côté, l’entreprise Lubrizol n’a agi que très tardivement et a opté pour une posture défensive et détachée. Appartenant à un conglomérat côté en Bourse, ce sont les services de communication aux États-Unis qui ont dicté le ton de la communication. Dans un premier temps, les mots ont tenté de rassurer les  investisseurs alors que le premier communiqué aurait dû refléter l’empathie attendue par les habitants du territoire. L’usine n’a transmis aucune information nouvelle. Elle est restée très factuelle. En outre, Lubrizol est allée jusqu’à émettre des scénarios sur l’origine du feu, en période d’enquête : une manœuvre efficace pour donner naissance à des rumeurs.

 

Le manque d’alignement sur la communication entre les différents émetteurs n’a fait que renforcer le doute. Ne pas savoir à qui accorder sa confiance a créé de l’incohérence et de la panique chez la population.

 

L’équipe de Coriolink vous donne rendez-vous pour le prochain article « La crise Lubrizol – Une crise de confiance ».