Pour conclure cette série d’articles à propos de la crise de l’usine Lubrizol, l’équipe de Coriolink souligne les failles les plus importantes failles de la communication.
Retrouvez les 3 précédents articles de notre série consacrée à cet accident. Ici, avec le premier volet qui revient sur le déroulé de la journée de l’incendie. Ici, pour le deuxième qui décrypte la communication déployée. Et là, pour le troisième sur la crise de la communication.
Point sur la communication émise
Au travers de nos précédents articles, il est aisé de constater que des erreurs de communication auraient pu être évitées grâce à une meilleure coordination et harmonisation des prises de parole des différents intervenants.
« Les actions de communication opérées ont été dépendantes des intérêts de l’émetteur dans une absence, apparente, de concertation » . –Jacky Isabello
Ainsi, la préfecture s’est préoccupée de la population ; l’industrie de ses membres internes et de ses actionnaires et investisseurs ; et enfin la collectivité du territoire et de ses équipements. Les ministres quant à eux n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu car leurs déclarations étaient souvent trop évasives ou incapable d’apaiser les craintes locales.
Lorsqu’il y a une coordination au sein d’une cellule de crise, les acteurs sont plus à même de prendre une décision au bénéfice des publics dont ils ont la charge afin que les discours soient complémentaires et évitent toutes contradictions. C’est sans doute ce manque qui explique pourquoi la crise Lubrizol a peiné à répondre aux demandes de l’ensemble des publics.
Afin de conclure notre « saga », et au regard de cette crise majeure, nous proposons une série de conseils de portée généraliste. Pour de plus amples conseils, les experts de l’agence Coriolink restent à votre entière disposition.
Conseils
Éviter une approche de l’information top-down
Avant toute chose, il est nécessaire de se préoccuper de la communication en amont, pendant ou en aval de la crise, et d’identifier celle qui correspond le mieux à la crise. Ici, l’une des plus graves erreurs a été décelée lorsqu’une partie des habitants ont affirmé qu’ils n’avaient pas connaissance qu’un site dangereux classé Seveso se situait à proximité de leur logement. Il y avait donc, avant un quelconque incident, un défaut d’informations à caractère sécuritaire. Ce manquement a eu d’importantes conséquences sur la réception de la communication. Elle a empêché de créer la confiance indispensable à l’établissement d’une relation sereine entre les intervenants et les populations..
Mais plus important encore, connaissant pourtant ce premier biais, la gestion de crise a attesté d’une part, d’une communication sans l’implication de la totalité des parties prenantes. Et d’une autre part, d’un dialogue excluant certains publics, la population notamment. Le fait de ne pas inclure l’ensemble des acteurs concerné par la crise, et d’opérer une communication descendante a desservi la gestion de la crise, en ne répondant pas directement aux besoins d’écoute, de compréhension et d’action exprimés par les citoyens.
Tenir compte des réactions
Autre faux pas, les réactions de la population ne doivent pas être considérées comme un problème. Qu’elles soient rationnelles ou non, leurs inquiétudes doivent être prises au sérieux et surtout considérées par les différents émetteurs comme légitimes. Ce qui n’a pas été le cas dans la crise Lubrizol. Et les conséquences ont été rapidement visibles : panique collective, défiance et mobilisation pour exiger la vérité sur la situation.
L’instinct de survie et de préservation prend le dessus sur l’instinct rationnel lorsque notre vie est mise en danger. Déclarer que l’angoisse n’est pas fondée et l’ignorer, au lieu de la contenir et de la réduire, ne fait que l’accroitre. L’enjeu pour les autorités aurait été de les prendre en compte. Puis, d’y apporter des réponses tangibles afin de tenter de les apaiser.
Savoir évaluer la gravité de la crise et sa communication
Il ne faut pas oublier qu’il est primordial de surveiller les différentes déclarations. Les discours tenus à travers les médias agissent comme des forces centripètes ; ce pourquoi il est important de définir en amont qui prend la parole, envers qui et pour quoi dire. Auquel cas, la population fait face à de la sur-information. Celle-ci n’est pas nécessairement pertinente ou cohérente, et surtout qu’elle ne sait pas analyser.
Dans notre cas, les déclarations ont œuvré en tant que force centrifuge. Ainsi, elles ont dispersées dans l’ensemble de l’espace public des informations anxiogènes.
Organiser les prises de parole selon une hiérarchie, qu’elles soient territoriales ou de compétences, contribuent à rendre les faits plus clairs dans l’esprit du public, et à crédibiliser les informations transmises.
Élargir la gestion de la communication de crise sur le monde numérique
Évidemment, mettre en place une prise de parole à travers les réseaux sociaux est important. Cependant, ce qui a été appliqué dans le cadre de la crise Lubrizol était trop réducteur. En effet, les réseaux sociaux ont plusieurs fonctions en temps de crise. Premièrement, ils donnent la possibilité de veiller sur l’émergence des craintes et ainsi d’avoir la capacité d’évaluer la panique avant qu’elle ne se concrétise dans l’espace public. Deuxièmement, ils permettent de diffuser des informations factuelles et répondre aux questions, aux inquiétudes posées. Enfin, les réseaux sociaux, haut lieux de propagation des fake news, doivent être utilisés justement pour contredire ces rumeurs et autres intox.
Certains industriels préparent des outils dits « darks tools ». Ils sont mis en ligne lors des catastrophes. L’enjeu est de ne pas perdre du temps dans la mise à disposition d’information essentielle. Tel n’a pas été le cas de la part des dirigeants de l’usine.
De nombreuses méthodes MSGU (Médias Sociaux en Gestion d’Urgence) sont possibles. Celles-ci agissent comme des relais digitaux des pouvoirs publics auprès des communautés numériques. Elles donnent lieu à une diminution du nombre d’interlocuteurs, et permettent d’adopter une posture empathique. Des démarches qui ont cruellement manqué à la gestion de crise Lubrizol.
Occuper l’espace médiatique en période de crise
« Lorsqu’une crise d’une telle ampleur explose, le silence médiatique est synonyme de mort sociale ». – Jacky Isabello
C’est ce qu’a démontré le silence de l’entreprise Lubrizol.
Le concept selon lequel, ce qui est déclaré en temps de crise doit être avéré, prouvé et justifié n’est pas à discuter. Mais celui-ci s’applique lorsque l’on s’adresse à un public rationnel. Au cœur d’une période de panique provoquée par l’incendie de Lubrizol qui aurait pu impacter leur santé et leur environnement, ce concept de rationalité est à reconsidérer à l’aune des nouvelles règles de la communication numérique.
A l’heure actuelle, des citoyens diffusent une multitude d’informations à l’aide des réseaux sociaux à une viralité impressionnante. Pour contrer les informations trop extravagantes, diffuser de l’information raisonnable doit prendre le pas sur le principe de diffuser des informations basées sur des preuves scientifiques irréfutables. Contre les fake news ou les volontés de désinformer, les faits se suffisent à eux-mêmes. Attendre d’avoir la vérité ultime peut demander du temps, élément précieux en période de crise. Cela pourrait paraître contre-intuitif. Mais c’est un fait majeur et nouveau que les professionnels de la crise doivent apprendre à gérer.
L’idée ici n’est pas de confondre vitesse et précipitation. Cependant, l’absence de communication dans une telle situation confère une impression de culpabilité. Ce qui laisse le champ libre à d’autres acteurs pour prendre la parole et libérer le terrain à des fausses informations pour se répandre.
Nous espérons que cette série d’articles à propos d’un cas d’école vous aura passionné. L’agence Coriolink dispose d’informations et d’analyses bien plus larges sur cette catastrophe.
L’actualité ne s’est pas figée après la catastrophe. Le Sénat s’est saisi de l’affaire. Le gouvernement a lancé des initiatives pour améliorer la connaissance de ces environnements territoriaux. Mais aussi pour corriger des contraintes qu’elles imposent aux populations environnantes.
A suivre…